La relation d’accompagnement étaye l’ensemble de la démarche en coaching de vie. Elle se vit, s’éprouve, s’élabore et se construit à même le corps. Deux corps en présence… Deux Êtres-corps en interactions constantes : l’un demandant d’être entendu, « complété » et nourrit par des retours, voire des réponses à ses propres questionnements. L’autre, dans la proximité de l’Être-corps client, veille à le recevoir, l’accueillir et l’accompagner en habitant son propre corps.
Cette relation d’Être-corps à Être-corps mérite toute notre attention. De façon générale, cet aspect est trop souvent minimisé, voire ignoré. Ces « Êtres-corps » s’ils se font face parfois, ils sont souvent côte à côte, en proximité. L’implication corporelle ne peut être sous-estimée. La qualité relationnelle et la spécificité du lien d’accompagnement engagent un exercice corporel dans lequel les sensations, les émotions, les éprouvés de toute sorte fournissent des éléments précieux. Mais aussi ce corps à corps en situation de proximité crée des mouvements réactionnels que le professionnel doit apprendre à recevoir, à accueillir, à accepter et à traverser.
Et c’est dans cette relation d’Être-corps à Être-corps que se vérifie la dimension humaniste du coach de vie…
Question : Vous soulignez régulièrement l’importance du corps, en tant que coach de vie, dans l’exercice de l’accompagnement. Pouvez-vous préciser votre approche ?
Réponse : Chaque personne apprend de son intériorité. Rien ne se passe en dehors du corps. Accompagner et coacher, au-delà d’être un exercice, est avant tout une expérience corporelle. Être aux côtés de la personne accompagnée, c’est entrer corporellement en relation. Le corps, par son mouvement interne, est sans cesse « au travail », devenant espace de résonnance, miroir, lieu systémique où s’interpénètrent le physique, le psychique, l’énergétique, le sensoriel… Ce qui est en jeu, en coaching de vie, c’est le corps comme source d’informations, en tout premier lieu pour la personne coachée elle-même. Il est essentiel pour elle de se relier au contenu souvent silencieux, inexprimé, de son corps en situation et de sa vie intérieure. Être conscient des phénomènes corporels qui surgissent tout au long d’un accompagnement est un processus majeur, ne serait-ce que pour se connecter aux vrais besoins de l’Être. Le corps, dans sa globalité, est une potentialité agissante souvent surprenante ! Encore faut-il l’entendre…
Q : Vous utilisez souvent l’expression « l’éprouvé du corps ». Pouvez-vous préciser ce dont il s’agit ?
R : Un éprouvé c’est ce qu’une personne perçoit et ressent d’une situation vécue et des conséquences de celle-ci dans son corps. « L’éprouvé du corps » est un vécu d’immédiateté. Pendant qu’elle dit ou pense à quelque chose, la personne éprouve, là, ici et maintenant une sensation. Celle-ci est agréable, désagréable ou autre. Ainsi elle apporte un renseignement significatif au niveau de la cohérence ou pas, entre ce qu’elle dit et ce que son corps éprouve. Il peut y avoir dichotomie : le corps et l’esprit diffèrent entre ce qui est ressenti et pensé par exemple… Ou bien, au contraire, ils font alliance, voire ils sont en symbiose. C’est alors que nous parlons de cohésion, d’accord ou d’harmonie. Cette homogénéité, ou pas, apporte un enseignement précieux pour la personne concernée.
Q : Ce vécu corporel n’est pas partagé consciemment par le plus grand nombre de personnes…
R : En effet, cette capacité à entendre et à recevoir cet « éprouvé du corps », de son propre corps, n’est pas spontanée. Aussi le coach de vie questionne la personne coachée : « Quand vous dites cela, que ressentez-vous ? », ou bien « Comment s’exprime votre corps quand vous imaginez ceci ? » ou encore « Et cette sensation, où se manifeste-t-elle dans votre corps ? » Etc. Ce questionnement sur le corps que l’on est, se propose comme un des piliers de notre accompagnement. C’est une voie de frayage dans notre corps conscient permettant ainsi d’accéder à la profondeur de l’Être, à ses besoins vitaux.
Q : Vous proposez ainsi à votre client de vérifier la cohérence entre sa tête et le reste de son corps ?
R : Appréhender la cohérence de son propre corps (corps-esprit) ou d’en constater l’absence est en soi un évènement corporel important. Observer une insensibilité ou une « insensorialité » à ce qui se passe dans son propre corps, d’être en quelque sorte à distance voire en situation de surdité vis-à-vis de celui-ci, contribue à une prise de conscience salutaire. Un déficit d’éprouvé entraîne non seulement une difficulté à s’orienter, à décider et à réaliser les choses avec justesse mais engendre également désarroi, souffrance voire mal-être.
Q : Vous suggérez qu’une perte de sens est à l’origine d’une insatisfaction, d’un inconfort voire d’un mal-être ? Peut-elle être à l’origine d’une demande ?
R : Oui bien sûr ! Une des causes majeures des demandes, en filigrane, est la perte de sens. Lorsque nous ne sommes pas ou plus reliés à ce qui est sens en soi, ou à ce qui fait sens dans son corps, nous produisons des actes inauthentiques. Et il y a, à minima, quiproquo, méprise ou malentendu avec soi-même d’où des demandes d’aide, de conseil ou d’accompagnement…
Q : Vous insistez sur ce lien entre « l’éprouvé du corps » et la notion de sens…
R : Il est évident que lorsque l’expérience corporelle est limitée et les ressentis réduits, la personne est conduite à des actes inauthentiques car non reliés à une cohérence intérieure, à ce qui est sens et qui fait sens pour elle. N’oublions pas, lorsqu’il y a sens, il y a signification, orientation et valeur. Sans expérience corporelle consciente, la personne accompagnée est démunie de repères personnels, intérieurs et intimes.
Q : Quel est le rôle du coach de vie lorsque l’accompagné(e) constate et évoque une absence de lien avec son corps intérieur ?
R : Autre pilier du coaching de vie, le professionnel accueille la personne telle qu’elle est, là où elle en est, sans jugement. Mais lorsque la personne coachée constate son impossibilité à dire ce qu’elle éprouve, elle manifeste souvent un certain trouble, quelque fois une détresse. Le coach de vie doit alors l’accompagner avec beaucoup de délicatesse et de tact. Rien ne sert de pointer du doigt cette « anomalie » si je puis dire ! Qui plus est, cette limite intérieure engrammée (1) depuis de nombreuses années parfois, peut provenir certes d’un non-intérêt à solliciter son corps afin d’obtenir des informations voire des réponses, mais cela peut cacher également un traumatisme plus profond… Le rôle du coach de vie n’est pas de réparer ou de guérir quoi que ce soit. Avec douceur, bienveillance et respect, il proposera à la personne coachée par exemple, des temps de respiration, ou des projections dans son imaginaire afin qu’un « goût de soi (2) » puisse progressivement émerger. Eventuellement…
Q : Ce « goût de soi » dont vous parlez est une façon de revenir à soi par les sens ?
R : Exactement ! Lorsque la personne coachée reprend goût avec ses sens, l’odorat, l’ouïe, le son, ou autres sens, et sont sollicités, soutenus par des images, des souvenirs, des envies, la matière corporelle s’anime progressivement. Elle accède ainsi à une mobilité, une fluidité intérieure lui permettant de sortir d’une opacité vis-à-vis de son corps sensible. Progressivement, la capacité de la personne coachée à mobiliser l’attention vers son intériorité évolue et progresse.
Q : La perte de sens est un vrai déficit…
R : Le sens, ce qui est sens, ce qui fait sens, est une fonction sensible inhérente au corps. C’est dans la matière corporelle que s’exprime le sens. Je ne crois pas au mutisme d’un corps. En revanche, je crois à notre incapacité, ponctuelle ou persistante, à l’entendre. Pas à l’analyser. A L’ENTENDRE… Entendre et ressentir la tonalité intérieure de ce qui est sens et qui fait sens. Entendre le sens en soi c’est d’une certaine façon, se tenir informé sur notre propre état intérieur. Se sentir relié à soi-même, c’est naître à soi-même dans le corps que l’on est. Le questionnement ouvert sur le corps que l’on est, se pose comme un des principes fondamentaux de l’accompagnement coaching de vie. C’est une voie de frayage dans notre corps conscient qui permet d’accéder à la profondeur de l’Être, à ses besoins vitaux.
Q : Ainsi vous reliez la perte de sens avec la perte de lien avec le corps ?
R : C’est une évidence qui s’impose ! Et cette perte de lien avec son propre corps se caractérise par des micros-coupures plus ou moins courtes mais aussi par des absences temporaires longues. Sous l’effet d’une émotion passagère ou d’une situation traumatique, la coupure du lien avec le corps se révèle d’une durée et d’une profondeur variables. Bien sûr, des compensations physiques et psychiques se mettent en place mais elles finissent par craquer tôt ou tard car elles ne reposent sur rien. J’insiste sur le fait que s’orienter avec autonomie et justesse dans son existence est une action menée par la globalité de l’Être (corps-esprit) afin de servir des besoins profonds et vitaux.
Q : La pratique d’accompagnement exercée par le coach de vie nécessite des capacités particulières en termes d’écoute, de posture…
R : L’accompagnement mené par le coach de vie demande une réelle présence corporelle de sa part, une disponibilité de tout son Être, de bienveillance, de respect, d’éthique et de compassion vis-à-vis de la personne coachée. Et cette posture exige un temps de préparation avant la séance, d’entrainement à une disponibilité à ce qui est, sans analyse, sans jugement, sans a priori, sans intention pour et à la place de la personne accompagnée. La mise en place de ce climat relationnel permet à la personne coachée de s’accorder à son tour cette bienveillante et cette douceur relationnelle. Cette tonalité intérieure facilite alors une alliance claire et consciente entre ce dont le corps a besoin et l’expression verbale de celui-ci. Lorsque les deux langages sont en concordance, la personne communique enfin avec pertinence et justesse !
En conclusion, et c’est tout l’enjeu de l’accompagnement coaching de vie, celui-ci sollicite la globalité du corps, l’Être-corps, avec toutes ses dimensions perceptives et réceptives.
Il est essentiel que la personne coachée puisse renouer, reconstruire parfois, un rapport nouveau et créatif à elle-même et à son existence. Qu’elle puisse diminuer progressivement la distance avec elle-même et qu’elle redécouvre avec émerveillement ses mouvements internes, ses besoins profonds et son « goût de soi » …
Roger DAULIN – Superviseur coach de vie
- L’engramme est l’empreinte laissée dans le cerveau et la mémoire du corps par un évènement du passé.
- Expression empruntée à Danis Bois « Le moi renouvelé » Ed Le savoir du corps
En résumé :
- Tout passe par le corps. Tout advient par le corps.
- Chaque personne apprend de son intériorité. Le corps est considéré comme source majeure d’informations.
- L’accompagnement coaching de vie facilite le lien avec l’Être-corps, le corps que l’on est et le corps agissant.
- Le corps dans, par et grâce à sa globalité, est une potentialité agissante puissante.
- La perte de sens est reliée à un manque ou une absence provisoire de lien avec le corps que l’on est.
- S’orienter avec autonomie et justesse dans son existence passe par le rétablissement d’un lien avec le corps dans sa globalité.
- Il n’est pas envisageable de vivre avec justesse une situation présente sans que le corps participe, s’adapte et incarne pleinement cette justesse.
- Le coach de vie est ainsi interpelé par la nécessité de se préparer corporellement à l’accueil de la personne accompagnée et d’être lui-même en cohérence avec son propre corps-esprit.
- Au coach de vie de se recevoir comme il est, de s’accueillir tel qu’il est et de s’accompagner tout au long de la séance, comme il accompagne la personne coachée.
En se recevant, en s’accueillant et en s’accompagnant, sans intention, sans volonté particulière, en laissant être ce qui peut l’être, il offre l’opportunité à son corps de s’ajuster à ce qui est.