Cet article est la suite des articles précédents intitulés « Implication corporelle et coaching de vie (1-2 et 3). Voir blog Ecol’COACH.
Les thèmes clefs abordés dans cet article sont les suivants : Le concept du Vide dans la relation d’accompagnement – Le questionnement ouvert – Répondre « en se taisant » – Renoncement et impuissance.
Question : Vous avez précisé que « renoncer à faire et à vouloir à la place de l’accompagné » mais aussi « renoncer à analyser, à comparer, à juger » créent naturellement un espace nouveau d’investigation au bénéfice de l’accompagné. Vous avez même évoqué la notion de « Vide ». Qu’appelez-vous le « Vide » ? Comment le coach de vie intègre-t-il cette dimension ?
Réponse : Avec cette notion de « Vide » nous approchons d’un concept essentiel au cœur de la relation d’accompagnement lorsque celle-ci se déploie au maximum de sa ressource. En premier lieu, je pose le postulat que le Vide n’est pas quelque chose d’inexistant. Ainsi le Vide n’est pas…rien ! Même s’il y a absence de forme, il n’y a pas absence de tout. Rien à voir avec le néant. Certes, il y a absence de matière telle que nous la concevons rationnellement mais pas absence de possibles, de potentialités. En fait, il est à comprendre que dans ce Vide tout est en germe mais rien n’a pris forme encore. Le Vide est à l’origine de la forme quelle qu’elle soit… Trinh Xuan Thuan, astrophysicien renommé a écrit : « Le Vide est plein, il est à l’origine de tout ». Ce qui est vrai pour les macro-systèmes tels que l’univers est aussi vrai pour l’humain car il est également composé de multiples systèmes interdépendants. Le Vide est par ailleurs comparé à « l’énergie dite du point zéro ».
Q : Vous voulez dire que nos pensées, nos actes, nos sensations, c’est-à-dire tous les éprouvés issus du corps, sont issus de ce Vide ?
R : Oui. Ce Vide est le lieu originel de tout mouvement quel que soit son intentionnalité et sa forme. Le Vide est l’espace de ce qui est avant… pour toute forme émergente ! Un avant que nous retrouvions repéré et nommé dans de nombreux courants philosophiques. Les appellations les plus courantes sont les suivantes : Le « Pas Encore, le Non Manifesté, le Non Formulé, le Non créé » ou bien encore comme l’un des 5 éléments « l’Ether ». De ce Vide Originel nait le mouvement c’est-à-dire le souffle vital animant les quelques particules présentes qui jusque-là, erraient sans orientation ordonnée et précise. Ce Vide est un espace illimité. Il est, rappelons-le, sans forme distinctive, sans consistance élaborée, sans couleur, sans odeur, etc. Inaudible autant qu’imperceptible et invisible, il est en quelque sorte un « trou noir » dans la galaxie de l’être. Et l’activité d’un « trou noir » a une influence majeure sur tous les composants du système qui l’entoure.
Q : Si influence il y a, le Vide n’est alors aucunement passif…
R : En effet, le Vide n’est pas un espace qui attend passivement d’être rempli. Le Vide est en lui-même source de tout mouvement. Mais pas seulement, si je puis dire ! Si le Vide est le lieu où ça bouge, il estsurtout le lieuoù ça crée. Il est à la fois source d’un mouvement initiateur de quelque chose mais aussi un développeur et un créateur !
Q : Est-ce que cela veut dire que lorsqu’un coach de vie renonce « à vouloir et à faire à la place » de la personne coachée, il participe à la création d’un Vide ?
R : En ne cherchant pas à remplir l’espace relationnel par des réponses, des hypothèses voire des solutions, le coach de vie contribue à la mise en place d’un vide, du Vide. Un renoncement à raisonner, à analyser, à solutionner la demande du coaché conduit à créer un espace vide dans lequel l’Être-corps du client explore par lui-même ce Vide. Souvenons-nous de la citation du philosophe Aristote : « la nature a horreur du vide ! ». Cela dit, les avancées scientifiques précisent aujourd’hui que la nature n’a pas vraiment horreur du vide mais qu’elle en est composée ! La matière et le vide se côtoient à l’échelle humaine. Ce Vide, qui je le rappelle, est porteur à l’état latent, de tous les possibles ! A nous, accompagnantes et accompagnants, de symboliser et d’incarner dans la relation, la matière et… le Vide !
Q : Quelle est la légitimité de la relation d’accompagnement à s’inscrire dans ce concept du Vide ?
R : Sa légitimité relève de sa dimension ontologique, du grec « ÔN, ONTOS » qui veut dire « étant, ce qui est », issue ainsi de la théorie de l’être. La spécificité de l’accompagnement est précisément d’accueillir la globalité, l’entièreté de l’être. Elle s’enracine ainsi dans une philosophie pratique et unitaire du vivant. Et à la base du vivant se trouve le mouvement ! Et à l’origine, ce mouvement prend sa source dans quelque chose d’infini, d’illimité, de matériellement inexistant, sans consistance avérée (du moins à nos yeux) et néanmoins à l’origine de tout, et du Tout, à savoir : le Vide.
Q : De fait, pouvons-nous dire que le Vide est un élément fondamental du vivant ?
R : Oui, et de ce fait, il semble difficile de ne pas intégrer la notion du Vide alors que celle-ci est vitale. Cet espace ressource illimité qu’est le Vide constitue l’immensité et l’indéterminé d’où jaillit un rythme, un tempo, une vibration éminemment dynamique et puissamment agissante, (trou noir de la galaxie de l’Être !). Sa fréquence, sa variation, son eurythmie agissent directement sur les éléments composant potentiellement le vivant. Encore une fois le Vide n’est pas vide de rien ! Si sa composition n’a ni forme, ni consistance pour que nous puissions le saisir par une démonstration rationnelle, sa ressource originelle a la capacité surprenante d’initier le mouvement, c’est-à-dire l’énergie appelée « énergie point zéro ». Et c’est de ce mouvement issu du Vide qu’émerge les effets de conscience, les trouvailles créatrices, les idées nouvelles, les réponses et les solutions jusqu’alors défaillantes.
Q : Si je comprends bien, toutes les idées nouvelles proviennent de notre Vide intérieur ?
R : Oui, et le rôle de l’accompagnant coach de vie est de faciliter la présence du Vide dans ses questionnements…
Q : C’est pour cela qu’il ne répond pas aux questions qui lui sont posées ?
R : Ce n’est pas qu’il ne répond pas ! Il répond en se taisant… Il répond par exemple par un questionnement ouvert, par un silence présent et bienveillant, par un encouragement sans orientation, sans influence, par une proximité compatissante, par un accueil inconditionnel de l’accompagné, tel qu’il est, là où il en est, et là où ses besoins profonds l’orientent…
Q : « Il répond en se taisant », que voulez-vous dire ?
R : Oui il répond sans proposer une direction, et encore moins une solution ! L’accompagnant laisse la question questionner… Il offre le temps nécessaire afin que celle-ci chemine, explore… Cet espace laissé « vide » de toute attente, de toute réponse, de toute influence de la part de l’accompagnant, participe à une possible émergence du « Vide » créateur ! Un « Vide » duquel soudainement, une perception inattendue émergera, peut-être…
Q : Lorsque l’accompagnant coach de vie s’abstient d’émettre un jugement, il contribue à sa façon, à la création d’un espace, d’un vide ?
R : En effet, lorsque l’accompagnant abandonne toute velléité de faire, de vouloir, de saisir quoi que ce soit, lorsqu’il délaisse toute intention vis-à-vis de la personne accompagnée, il lui offre en retour un espace vierge à explorer.
Q : Mais est-ce que ce renoncement ne produit pas une forme d’impuissance chez l’accompagnant ?
R : Précisément, si l’accompagnant ressent de l’impuissance, une impuissance assumée, il se doit de la recevoir, de l’accueillir, et sans s’y accrocher et la laisser passer… L’accompagnement est l’exercice accepté d’une impuissance consciente. Bien sûr, des résistances peuvent surgir chez l’accompagnant. Par exemple, « Cette posture a-t-elle du sens ? », ou « que peut penser l’accompagné de mon indifférence apparente à sa demande, ou à ses émotions, etc. ? » ou bien encore « mon vœu était de faire du bien à l’autre, de l’aider, de l’assister, et qu’en est-il avec cette posture d’accompagnant ? Les occasions ne manquent pas de se draper dans de bonnes intentions qui pour la plupart sont de l’ordre du narcissisme. Et de s’agiter dans son propre nombrilisme, égocentrisme, voire dans ses propres fixations affectives ! Un renoncement à vouloir et à faire à la place de l’autre n’est ni une indifférence, ni une froideur, encore moins une insensibilité voire un je-m’en-foutisme !
Q : Vous diriez que c’est une question de choix d’être un aidant, un conseiller ou un accompagnant ?
R : Bien sûr ! Un vrai choix, un choix essentiel. Un positionnement relationnel clair débouche sur une posture claire…. Un coach de vie est un accompagnant. A lui d’incarner cette posture parfaitement adaptée à l’accompagnement au changement et au bien-être.
Q : Cela veut dire que l’accompagné est seul à effectuer des choix et à prendre des décisions…
R : L’accompagné est seul face à ses choix : c’est ce que l’on appelle le libre-arbitre. C’est son pouvoir absolu. Plus le client est considéré par l’accompagnant et lui-même comme adulte, auteur et acteur de sa vie, plus ses actes sont puissants. L’accompagnant n’a pas à justifier de son savoir : il a à être présent, là, ici et maintenant, pleinement présent, inconditionnellement présent ! L’accompagnant coach de vie est le garant d’une posture qui, à aucun moment, ne viendra usurper la place de l’accompagné. En revanche, l’accompagnant coach de vie, grâce à son savoir-faire et son savoir-être, doit maintenir en permanence un espace « vide » d’exploration dans lequel l’accompagné n’aura nul besoin de l’accompagnant et encore moins de ses conseils, de ses croyances, de ses a priori. Plus la relation d’accompagnement rivalise avec la zéro intention, la zéro attente, le zéro faire à la place de l’autre, plus celui-ci entreprendra avec efficience, confiance et estime de soi.
Q : Cela exige un renversement de posture, non ?
R : En effet, la majorité des accompagnants coachs de vie au début de leur formation viennent avec l’idée de faire, de proposer, d’aider, de conseiller au mieux leurs clients. Un renversement de perspective s’impose naturellement étant donné le choix de la posture, celle de l’accompagnement.
Q : Revenons au concept du Vide. Dans la pratique d’accompagnement, le renoncement à savoir à la place de l’autre, contribue-t-il à l’instauration du « Vide » ?
R : Oui en effet. En se plaçant dans un non-savoir pour l’autre, il évite d’encombrer la relation par un « savoir extérieur devenant obstacle ». L’accompagnant crée de fait un espace relationnel dans lequel il n’intervient pas. Il laisse être ce qui peut l’être… C’est une mise à disposition d’un espace relationnel qui, peut-être, donnera lieu à quelque chose… ou pas ! Il préserve cet espace qui, de fait, est en jachère. Libre à l’accompagné de l’explorer ! Laisser le client exister dans ses questionnements, ses tâtonnements, ses expérimentations, ses erreurs, jusqu’à ce qu’il perçoive la justesse de ses propres orientations, initiatives et décisions, c’est lui permettre d’incarner son existence. C’est passer d’une vie courante à une existence qui fait sens… Lorsque l’accompagnant se fait oublier malgré ses questionnements, sa présence bienveillante, son respect de la singularité de l’accompagné, il ouvre grâce à son retrait, à son renoncement, à son impuissance assumée et consciente, une potentielle perspective riche en possibles et en inventivité. Sous réserve ou au risque pour l’accompagné d’oser cette avancée, cette exploration en lui-même.
Q : A quoi d’autre l’accompagnant renonce ?
R : A poser un diagnostic par exemple ! Mais aussi à faire des liens avec ce qu’il connait en matière de psychologie, de communication ou autre. Au début, il a du mal à s’empêcher de dire, de montrer, d’influencer… Le coach connait tellement de choses !! Et puis, il a tellement envie (besoin ?) de faire du bien à l’autre (Sourire…). Peut-être même, dans sa vie personnelle ou professionnelle est-il passé par des situations similaires à celles que lui présente son client. Il renonce aussi à être la béquille du client, voire à s’arroger le succès de la mission. Et ce dernier point n’est pas facile car tout au long de la mission de coaching, il y a eu proximité relationnelle.
Vous vous en doutez, ce processus de renoncement ne s’achève jamais…
Q : Afin de clore provisoirement ce temps de Questions / Réponses, que souhaitez-vous partager ?
R : Le métier d’accompagnant coach de vie est fabuleux d’intensité et d’humanité. Mais il est exigeant par la qualité de présence nécessaire, par le déploiement d’un renoncement à vouloir et à faire pour l’accompagné. Il est exigeant aussi parce qu’il nécessite de trouver en soi une tranquillité intérieure à être là, simplement là, ici et maintenant.
Roger DAULIN Superviseur coach de vie
A retenir :
- Le concept du Vide est un élément clef dans la relation d’accompagnement en coaching de vie.
- Le Vide n’est pas quelque chose d’inexistant. Le Vide n’est pas… rien ! Le Vide est à l’origine de tout.
- L’intentionnalité même de l’accompagnement coaching de vie engage le coach à créer les conditions relationnelles pour que ce Vide puisse advenir.
- Le Vide est un élément fondamental du vivant.